Il neigeait vraiment beaucoup cet hiver-là. Petite taupe aimait de toute façon se recroqueviller chez elle. Elle vivait seule dans son petit trou. Personne ne l’aimait, ce qui tombait bien puisqu’elle n’aimait personne. Aussi elle ne recevait pas de visite et n’avait pas d’amis.

Petite taupe n’avait pas pensé que l’hiver arriverait si tôt ni qu’il serait si rude. La nourriture viendrait à manquer. Pour préserver sa réserve, il lui fallait partir dans la forêt, et il fallait le faire aujourd’hui au cas où demain serait plus froid encore.
Elle enfila son bonnet et ses moufles en laine, sans oublier son écharpe polaire. Et puis sa pioche. Le petit animal s’engouffra courageusement dans la neige. Le vent soufflait plus fort chaque minute, lui piquant les moustaches. Petite taupe regardait partout. Point de lombric, point assez de cochenilles mais tout de même un peu ce qui lui permettrait de tenir quelques jours sans toucher à sa réserve.
Elle s’en retournait chez elle, quand, à travers les flocons de neige, elle crut reconnaître Monsieur Le lièvre qui semblait pressé et portait dans ses pattes un sac dont Petite taupe se demanda bien de quoi il était rempli. Elle fit semblant de ne pas le voir pour ne pas lui dire bonjour. Monsieur Le Lièvre en fit tout autant.
A travers les flocons de neige quelques mètres plus loin, elle crut reconnaître Monsieur L’Ecureuil qui semblait pressé et portait dans ses pattes un sac dont Petite taupe se demanda bien de quoi il était rempli. Elle fit semblant de ne pas le voir pour ne pas lui dire bonjour. Monsieur L’Ecureuil en fit tout autant.
Non loin de sa maison, à travers les flocons de neige, elle ne reconnut pas les deux silhouettes qui semblaient immobiles devant chez elle. Elles aussi portaient dans leurs pattes un sac dont Petite taupe se demanda bien de quoi il était rempli. Il fut impossible de ne pas les saluer puisque les deux bestioles la regardaient. Elle grogna un « Bonjour » plus glacial encore que le temps qu’il faisait, ce qui voulait bien dire ce que ça voulait dire !

On lui rendit un bonjour très doux « Bonjour Petite taupe ». Petite taupe en lâcha sa pioche car elle reconnut la voix de son père. La dernière fois qu’elle avait vu ses parents ils l’avaient chassée de chez eux. Petite taupe dit méchamment « Allez-vous en, je ne veux plus jamais vous voir. »
Maman Taupe prit la parole « Ma petite, nous venons te demander pardon. Nous partons bientôt pour le grand ciel. Nous ne voulions pas partir sans te dire que nous sommes désolés de t’avoir fait de la peine. »
Papa Taupe prit la parole « Tu mangeais tellement, nous étions trop vieux pour réussir à te nourrir. Nous partons sans malheureusement te laisser plus à manger. Mais nous te laissons toutes nos affaires. » Papa taupe donna le sac, et caressa la joue de sa fille qui se laissa faire. Les deux silhouettes s’éloignèrent.
Le ventre de Petite taupe la serrait. Elle ne savait pas si elle avait faim, ou si elle avait mal. Elle ouvrit le sac. Il y avait dedans une photo de quand elle était petite, des bougies, et une lettre : « Notre petite, nous voulions te dire que tu as été la lumière de notre vie. Ne nous en veux pas de l’avoir compris trop tard. Papa. Maman. » Petite taupe se mit à courir comme jamais elle n’avait couru, et c’était difficile dans la neige. A travers les flocons elle les aperçut enfin. Essoufflée, elle leur demanda « Voulez-vous venir manger avec moi ? Vous partirez demain, ou même un peu plus tard.».

Tous les trois se mirent au chaud dans le petit trou de Petite taupe. Ils allumèrent une des bougies, et se régalèrent des cochenilles que Petite taupe avait bien pimentées. Et de confitures de ver blanc que Petite taupe avait bien sucrées. Ce fut le moment le plus heureux de toute leur vie.
Texte et illustrations Claire K.
(Pour mieux découvrir Claire, visitez sa page dans “raconte tes découvertes d’auteurs jeunesse”)