Dans son immeuble tout gris, Estéban s’ennuie. Il n’a aucun copain avec qui jouer. Les enfants ici sont soit trop petits, soit trop grands.
Un beau jour, sa maman lui annonce : « On va avoir de nouveaux voisins. J’ai vu des déménageurs déposer des cartons dans l’appartement d’à côté. »
« Ah bon ! Des voisins ? Ils sont comment ? demande le petit, tout excité.
– Je ne sais pas, mais lorsqu’ils auront terminé d’emménager nous irons les saluer, promis ! ».
Le petit garçon espère de tout cœur un voisin de son âge. Il imagine qu’il s’appellera Pablo, et qu’il sera très rigolo. Ensemble, ils joueront au ballon, se raconteront des histoires, et mangeront des bonbons.
Quelque temps après, la famille décide de souhaiter la bienvenue à leur nouveau voisin.
Le cœur d’Estéban s’emballe :
« Vite ! Vite ! j’ai trop hâte de voir Pablo.
– Qui ? demande la maman surprise. Tu connais déjà le voisin ?
– Non, non. Je disais ça comme ça » répond-il gêné.
Il se dit que le nouveau copain doit être aussi pressé que lui. Au début ils seront un peu timides, et ensuite ils deviendront les meilleurs amis du monde. C’est toujours comme ça que ça se passe.
Toc, toc, toc
Ils entendent des pas derrière la porte.
Le petit ne tient plus en place. Il aimerait que ça aille vite, beaucoup plus vite.
Le voisin ouvre.
Là, face à lui, Estéban découvre désenchanté une silhouette frêle : celle d’un vieil homme.
« C’est peut-être le papi de Pablo ? » espère t-il.
Il aimerait crier « Eh oh ! Pablo, tu viens ! ».
Il le cherche désespérément du regard, mais il ne voit rien. Personne ne rejoint le vieux monsieur.
En un rien de temps, Hop ! Tout s’envole : le copain, les secrets, les ballons.
« Bonjour, nous sommes vos voisins de palier, et voici notre petit Estéban. Nous venons vous souhaiter la bienvenue, s’exclament les parents enjoués.
– Oui d’accord, bien aimable, répond monsieur Jean d’un ton monocorde.
– Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n’hésitez pas ! Entre voisins, on est là pour s’aider ! réplique la maman en souriant à pleines dents.
– D’accord, merci, rétorque le voisin impassible. »
De retour chez eux, les parents discutent :
« Ce monsieur Jean semble si dur, lance la maman.
– Tu sais, ça ne doit pas être drôle tous les jours d’être seul. Avec le temps, il a dû perdre son sourire, rétorque le papa.
– On peut peut-être l’aider à le retrouver, s’exclame l’enfant enthousiaste.
– Quoi ? Son sourire ?! Je ne vois pas bien comment, répond la maman d’un air moqueur.
– C’est bien toi qu’as dit qu’entre voisins il faut s’aider pas vrai ?
– Oui, mais tu sais parfois, c’est bien plus compliqué que ça. »
Maman a la dent dure ! Mais Estéban a de la ressource.
Dans sa chambre, le petit se remémore sa journée :
« Avoir un copain de mon âge dans cet immeuble, pfff quand les poules auront des dents ! Au lieu de ça, j’ai un vieux voisin qui fait la tête ! Si au moins il souriait.
Il doit être vraiment très très méchant ! Ou bien alors très très triste. Si ça se trouve, il est pas comme ça d’habitude ».
Les jours d’après, le petit et le vieux voisin se croisent à plusieurs reprises. Une première fois dans les escaliers. Une autre fois au marché. Puis chez le boulanger, et cetera, et cetera. Et à chaque fois Estébane fait le même constat : un sourire, il n’en a pas !
Par un après-midi pluvieux, Estéban regarde la télé. Il tombe sur une publicité qui retient toute son attention :
« Avec la brosse à dents « frotte dents ».
Vous retrouverez un sourire en un rien de temps ! ».
Il lui vient alors une révélation :
« Mais oui ! Voilà ! C’est ça qui lui manque à monsieur Jean : une brosse à dents ! ».
Aussitôt il file dans la salle de bain, cherche dans le tiroir et en choisit une. Pas n’importe laquelle, une de ses préférées : celle avec un dinosaure dessus !
« Avec celle-là c’est sûr, monsieur Jean va retrouver son sourire ! » déclare t-il les yeux pétillants.
Estébane vérifie qu’il n’y a personne dans le hall, il court déposer la brosse à dents sur le paillasson de son voisin. Il toque trois coups, puis retourne aussi vite qu’il est venu jusqu’à chez lui. Depuis sa porte entrebâillée, il observe attentivement.
Le vieil homme ouvre. Il regarde à droite à gauche puis par terre, son regard s’arrête sur la brosse crocro. Il la ramasse, l’observe un instant de face comme de dos, il hausse les épaules puis retourne chez lui.
Le lendemain, ils se croisent dans le hall d’entrée.
« Bonjour monsieur Jean, s’écrie l’enfant avec un large sourire.
– Bonjour petit, rétorque le vieil homme visage fermé.
– C’est raté ! Il ne sourit toujours pas ! » pense Estéban.
Quelque jours plus tard, une nouvelle idée lui vient.
Cette fois-ci, il décide de lui offrir la même brosse que ses parents : sans dino sans crocro. Une brosse à dents pour grands !
Chez lui tout le monde sourit ! Alors aucune raison que ça ne marche pas pour monsieur Jean.
Il la dépose de nouveau sur le paillasson, puis attend sa réaction.
Le vieil homme ouvre la porte. Il regarde tout autour de lui, et remarque interloqué une nouvelle brosse à dents .
« Tiens ! Tiens ! C’est étrange. » s’exclame t-il sourcils relevés.
Le lendemain sur le chemin de l’école, Estébane croise son voisin.
L’enfant impatient de vérifier si son idée a marché, lance un grand :
« Booonjooour ! » avec un sourire qui dévoile toutes ses dents.
– Bonjour petit.
Et là ! Et là ! Et bien … Il ne sourit toujours pas !
Le jour d’après, Estéban et sa maman se rendent au magasin. Devant l’un des rayons il découvre sur une petite télé, une publicité qui tourne en boucle pour une nouvelle brosse à dents :
« Avec la super brosse à dents électrique. Plus d’effort à faire pour un sourire fantastique ! Courez vite acheter votre nouveau sourire. ».
« Mais oui ! Je sais maintenant pourquoi ça ne marchait pas, dit-il plus éclairé. Parce qu’en fait, il est trop fatigué pour se brosser les dents. Mais avec celle-là, il aura juste à appuyer sur un bouton ! ».
Il rejoint alors sa maman,
« Tu peux m’acheter la nouvelle brosse à dents qui va vite, s’il te plaît maman ? »
– Tu en as déjà plein à la maison.
– Steplaît, steplaît, steplaît, c’est pour l’offrir à une personne qui en a vraiment besoin. »
Une fois chez lui, Estéban décide de la lui déposer le lendemain. Là, il se fait trop tard, et puis ils vont bientôt diner.
Pendant le repas il ne pense qu’à ça ! Il est sûr, là, il a trouvé LA solution.
Avant de se coucher, il s’imagine le vieil homme avec cette super nouvelle brosse à dents qui tourne vite, très très vite. Et le vieil homme qui sourit grand, très très grand.
Il est tellement fier de l’aider à retrouver son sourire.
« Vivement demain que je la lui offre ! » s’exclame-t-il en s’endormant.
Le lendemain matin, Estéban se rend chez le voisin. Sans faire de bruits, il pose délicatement la super brosse à dents devant son entrée. Il frappe, et soudain … la porte s’ouvre !
Trop tard ! le vieil homme l’a vu.
« C’est donc toi petit qui m’offre toutes ces brosses à dents ? »
Estéban, le cœur battant, répond :
« Ben oui, je voulais vous offrir un sourire sans se fatiguer, comme dans la publicité. » répond-il tout penaud
Et là ! Miracle ! Monsieur Jean sourit ! Il sourit tellement grand, qu’Estéban se rend compte que monsieur Jean … n’a pas de dents !
Auteur : Nadia S.
Très chouette histoire, tendre et drôle…
C’est un précieux compliment que vous me faites, je le garde comme un trésor. Merci ! et de tout coeur : vive “La tétine de Nina” !